La transition de fondateur à investisseur : le parcours d’Étienne Merineau

12 nov. 2025

Étienne a partagé son parcours, de la création de sa propre startup à ses débuts comme investisseur en capital-risque. Il a raconté ce qui l’a poussé à lancer un fonds après la vente de son entreprise, ainsi que le chemin inattendu qui l’a mené jusqu’au VC. Il est revenu sur sa transition de fondateur à membre d’une plus grande organisation, Hootsuite, et sur la façon dont cette expérience a façonné sa perspective d’investisseur.

Il s’est ouvert sur les leçons apprises en cours de route, l’importance de la résilience, de la confiance et d’une vision à long terme — autant pour bâtir une entreprise que pour soutenir celles des autres. Il a également parlé de son partenariat avec Luis & Varun chez Telegraph Hill Capital et de leur mission commune : accompagner les fondateurs au Québec.

Des histoires vraies, du vrai talk, et des conseils concrets — un épisode pour tous ceux qui réfléchissent à leur prochain chapitre, que ce soit lancer une nouvelle aventure ou faire le saut vers le capital-risque.

Transcription

Voici la version française du transcript, traduite dans un style naturel, fluide et fidèle à la conversation — tout en gardant le ton informel et dynamique de votre échange.

Transcription (version française)

Nectar : Trop content de te revoir, man. Bonne excuse pour se voir. Je sais qu’on se connaît depuis… je veux même pas dire combien d’années, mais ça fait longtemps. Je vais te lancer une première question. Tu viens de fermer ton fonds. Pourquoi, au juste, t’as voulu lancer un fonds ?

Étienne : Bonne question. Je pense que…
Les parcours de vie, les parcours de carrière, il y a toujours un peu de magie, un peu de sérendipité. Et honnêtement, devenir VC, c’était pas du tout quelque chose que je voyais dans ma vie à ce moment-là. Mais j’ai bâti une entreprise from scratch, j’ai vécu le bootstrapping, puis une petite ronde de financement, puis l’exit.

C’était tout le tourbillon de la vie de fondateur. Et une fois que j’ai vendu, tout le monde me demandait : “C’est quoi la suite ?” On s’attend à ce que tu relances quelque chose tout de suite. Mais j’étais pas prêt. Déjà, après une acquisition, tu dois travailler pour l’entreprise acquéreuse. Ensuite, tu prends un peu de temps off.

Et la vérité : j’ai pris… deux semaines. Ma femme aurait voulu que j’en prenne un an. Bref. Après ça, j’ai recommencé à bricoler, sans trop savoir. J’ai commencé à aider mes amis de Workleap avec leur innovation lab, plus comme consultant.
Ça m’a fait voir autre chose : une machine très bien huilée, un scale-up / unicorn de l’intérieur.

Et ensuite, trois ans plus tard, l’envie du “what’s next” est revenue. J’étais vraiment ouvert. Et là, tu vas me trouver ésotérique, mais l’univers m’a envoyé quelques opportunités très différentes. Bon benchmark.

L’une d’elles : Luis, le fondateur de Telegraph Hill Capital à Barcelone. Il était en ville. Ils avaient déjà fait une douzaine d’investissements à Montréal. On a été mis en relation par un ami fondateur.

On s’est rencontrés… et on a cliqué. On voyait tous les deux un trou énorme au pré-seed ici. Je l’avais vécu comme fondateur. Il a entendu mon histoire et il m’a dit : “Tu serais un excellent VC.”
Moi : “Hein ? Moi ? Je me voyais pas du tout comme VC.”

Mais bref, on vibait sur les valeurs, la vision, et ce gap dans le marché. Je suis un gars de zéro à un. J’aime quand c’est bordélique, incertain, qu’il faut se battre.

Et comme j’avais fait un peu d’angel investing mais pas assez d’argent pour écrire de gros chèques, le VC devenait une façon d’avoir une vraie plateforme et un vrai impact localement. C’est ça qui m’a séduit et qui m’a fait “sauter la clôture”, entre guillemets.

Nectar : Je te vois encore comme fondateur. T’as fondé ce fonds comme t’as cofondé Heyday. Comment t’as vécu le fait de vendre puis d’atterrir dans une grosse boîte comme Hootsuite ? C’était comment, personnellement ? J’imagine que c’était pas simple—ou peut-être que oui. On n’en a jamais parlé. Et en sous-question : comment tout ça influence ta nouvelle identité comme cofondateur de Telegraph ?

Étienne : Deux questions en une. Mais oui : comment tu te sens après un exit ? C’est bizarre. On glamourise beaucoup les exits. Et oui, c’est un moment incroyable et ça change une vie. Mais sur le moment, c’est bittersweet.

Au début, on était surexcités. C’était 2021, le peak du marché. Tout le monde faisait un IPO, il y avait des SPAC partout. Nous, on s’est fait acquérir par Hootsuite.
Hootsuite, tu connais : leader en gestion des réseaux sociaux, unicorn, grosse revenue, préparation IPO.

Mais la croissance était un peu flat. Ils avaient besoin d’un shiny object. Ça, je l’ai compris après. Ils nous ont acquis pour l’histoire AI et pour la stratégie que j’avais construite entre nos deux entreprises.

On arrive là-bas comme des rock stars, tapis rouge. Je parlais au town hall devant tout le monde de la stratégie à 5 ans. Et bam : la fenêtre IPO se ferme.
Coveo prend la dernière place sur le TSX et Hootsuite ne peut plus y aller.

Et là, au lieu de construire le futur… on commence à licencier la moitié de la boîte.
Une année bipolaire. Tu te fais acheter, t’es au sommet… puis ça crash.
Et ironiquement, tu touches un bon chèque, mais c’est l’année la plus misérable de ta vie.

Il y a un gros blues post-acquisition. Tu te sens seul.
L’argent c’est pas tout. Les fondateurs sont drivés par la mission, pas par l’argent.

Et oui, quand tu vends, tu perds le contrôle de la suite. Ça fait partie du deal.

Pour ta deuxième question sur mon identité de VC : c’est un mélange de résilience, d’idéalisme et d’un peu de naïveté. On se lance dans des trucs… si on connaissait tous les obstacles, on le ferait peut-être pas. Mais une fois que t’es dedans, tu continues. C’est comme un marathon, pas un sprint.

Et maintenant, oui : c’est une commitment de 10 ans. Tu dois vraiment vouloir faire ça. C’est identitaire.

Nectar : Maintenant que vous êtes fermés, félicitations. Avant que je te demande ce qui t’excite le plus, fais-nous un pitch : c’est quoi Telegraph ?

Étienne : On a identifié un gap au tout début : le très early stage. Des startups entre 0 et 1 M$ d’ARR, souvent même zéro revenue.

Notre philosophie : du capital, mais avec un plus.
Être presque un cofondateur financier. Pas être dans les jambes, mais être là quand ça compte.
Apporter du sweat, pas juste de l’argent. Aider à éviter les pièges classiques des premiers fondateurs.

Multi-secteur mais B2B SaaS. Et évidemment AI, mais avec un vrai ROI, un vrai cas d’usage, pas juste du hype. On cherche des applications core business, sticky, avec un vrai wedge dans une verticale.

La stack :
Go-to-market comme premier moat → données propriétaires → AI → moat technologique.

On veut être un VC généraliste, solution pour les fondateurs B2B SaaS au Québec.

Nectar : Québec seulement. Taille de chèque ?

Étienne : 500 000 $ en moyenne. On aime leader. Jusqu’à 750 000 $ quand on lead.
1 M$ en réserves par pari pour faire du follow-on.

Nectar : J’aime le concept de cofondateur financier. Et je trouve que t’es un “founder’s founder”. Tu veux vraiment aider.

Étienne : Oh oui. La raison pour laquelle je fais du VC, c’est parce que… je dis souvent : je suis comme un alcoolique au bar mais qui boit du 7-Up. Je veux être dans le party sans replonger dans l’addiction.
Être dans les tranchées, mais différemment.

Je sais ce que les fondateurs vivent. Je connais les douleurs. Si je peux être un bon conseiller + cheerleader, j’ai fait ma job.

Nectar : Je vais raconter une histoire. Tu m’as aidé avant même que je lance ma boîte précédente. On était à un meetup Responsive Org que tu co-organisais. J’étais en phase d’idéation. Tu m’as donné un feedback hyper pertinent, et ça m’a donné le push mental “ok, j’ai peut-être quelque chose”. Ça m’a vraiment aidé.

Étienne : Ah je savais pas ! Je transforme souvent les pitches en brainstorms. Je suis généreux et direct. Et ça m’aide aussi à voir si le fondateur est coachable. Je cherche un “fit GP–startup”.
Mon défaut et ma qualité : je m’emballe vite. Mais ensuite, il faut transformer ça en résultats.

Nectar : Les deux choses qui sont dures pour moi :

  1. c’est beaucoup sur la qualité humaine du fondateur… et dire non est difficile

  2. on doit dire non tellement souvent

Comment tu gères ça ?

Étienne : C’est tôt, mais : être clair.
Le maybe est souvent pire que le non. Les fondateurs ont besoin de clarté pour exécuter.

Format que j’utilise :

  • highlights

  • lowlights

  • ce qui manque pour bâtir une conviction

Et un non peut devenir un oui plus tard.
Personne n’a une boule de cristal.

On évalue :

  • pourquoi ce fondateur

  • pourquoi maintenant

  • pourquoi ce marché

Et ensuite… la vie arrive. Donc portfolio = diversification.

Nectar : Comment t’as approché la construction de ton propre fonds ?

Étienne : Comme une startup.
Tu es un underdog. Tu dois prouver que les gens peuvent croire en toi.

Chercher des partenaires complémentaires.
Ensuite, baby steps qui composent :
du deck → aux institutions → aux premiers deals → à l’exécution sur ta promesse.

Vitesse, mais alignée avec les valeurs et la thèse.

Nectar : Parlons des moments difficiles. Lever un fonds en plein chaos macro…

Étienne : Oui, c’était le pire moment… mais aussi le meilleur.
Le marché se réinitialise. Il faut du sang neuf. Et je crois beaucoup aux opérateurs comme VCs, surtout au early stage.

Comme fondateur, tu as un “cheat code” : le pattern recognition.
Ce qui manque : les skills admin, compliance, gestion d’un fonds.
Et c’est là où Luis & Varun étaient des partenaires parfaits.

La différence majeure avec une startup :
tu dois penser en décennies, pas en semaines. C’est un marathon.

Nectar : Et les LPs sont humains. C’est du trust-building. Exactement comme les fondateurs.

Étienne : 100%. Chaque interaction est une occasion de bâtir la confiance.
Même mécanique, timeline différente.

Nectar : Parlons de tes partenaires. Luis et Varun sont incroyables. Très peu de fonds étrangers ont fait 12 deals à Montréal.

Étienne : Exact. Leur premier deal au Canada : Chronogolf (que tu avais co-investi via Google), revendu à Lightspeed.
Depuis 2018, ils ont fait une douzaine de deals ici.
Et oui – leur soutien à Planned pendant le crash COVID est la preuve ultime de leur grit.

Je cherche des fondateurs “cafards” — ceux qui survivent à tout.
Il faut des VCs “cafards” aussi.
Luis et Varun sont de cette trempe.

Nectar : Deux dernières questions. C’est quoi la suite ? Comment tu vas construire ton dealflow ?

Étienne : Honnêtement, c’est pas le problème.
En un mois : 120 dossiers vus. Beaucoup de bruit, mais un noyau solide.

Le dealflow viendra :

  • du trust

  • des fondateurs que je connais

  • des repeat founders

  • des anges, mentors, LPs

  • des accélérateurs

  • des co-investisseurs

Et surtout : donner sans compter. Feedback honnête, généreux.
Les micro-interactions créent le flywheel.

Nectar : Si quelqu’un veut te contacter ?

Étienne : LinkedIn, super simple.
Ou via notre site : telegraph-vc.com
Ne soyez pas gênés. N’attendez pas d’avoir tout parfait.
On est là pour vous aider à développer votre potentiel.

Nectar : Merci énormément, Étienne.
Étienne : Merci à toi, Nectar.